Climate Tech : 8 tendances innovantes pour rendre la finance durable

By Early Metrics Team - 10 août 2022

Atteindre les objectifs climatiques définis par les accords de Paris implique une réorganisation de fond de notre économie. Les institutions et services financiers arrivent en première ligne de cette lutte contre le changement climatique. En effet, ils ont la possibilité d’orienter les financements et les investissements vers des projets plus respectueux de l’environnement. En ce sens, les investissements durables ont enregistré une croissance de 605 % entre 2016 et 2020 selon un rapport Climate Bonds. Par ailleurs, la taille de la dette durable a augmenté de 29 % pour atteindre $732 Mds en 2020. Néanmoins, les secteurs de la banque, finance et assurance s’avèrent structurellement lents à innover. Ils financent encore largement les énergies fossiles tandis que leurs clients souhaitent donner du sens à leur épargne. Cet état des lieux nous amène donc aux startups qui développent des solutions « climate tech ».

En effet, afin de favoriser une économie plus verte et responsable, une catégorie d’acteurs d’un nouveau genre émerge : les « Climate Fintech ». Aussi appelées « Green Fintech » ou « Fintech durables », ces sociétés entendent catalyser la décarbonisation en alliant finance, climat et technologie.

Voici les huit tendances climate tech qui constituent le marché de la finance durable.

1) Les néo-banques vertes

L’urgence climatique, couplée à un besoin de transparence des consommateurs, a donné naissance à de nouveaux challengers : les néo-banques à impact. Ces nouvelles institutions séduisent particulièrement les milléniaux, jeunes urbains et CSP+ de moins de 40 ans. Elles proposent des services classiques de néo-banques (compte-courant, carte de crédit, etc.), tout en promettant le financement exclusif de projets responsables. Divers services et partenariats distinguent ces acteurs émergents : cartes de crédit en bois, recommandations d’investissements ESG ou versement d’une partie des frais de gestion et d’interchange à des projets de compensation carbone.

  • Helios, pionnier français qui a récemment levé 9 M€, propose à ses clients de co-construire leur livret d’épargne en toute transparence selon une liste de solutions de financements responsables.
  • OnlyOne* propose de reverser 1 € par mois de la cotisation de chaque client au financement d’un projet à impact.
  • Green Got permet à ses clients de mesurer et d’analyser les émissions de CO2 liées à chacune de leurs dépenses.
  • Treecard propose des cartes de débit en bois éco-sourcé ou en plastique recyclé. Elle consacre 80 % des profits liés aux frais d’interchange à des projets de reforestation.

2) Les solutions de calcul de l’empreinte carbone

Ces solutions permettent, grâce à l’Open Banking, d’accéder aux données bancaires des consommateurs et des entreprises, puis de mesurer l’impact carbone lié à chacune de leurs dépenses. Ces startups climate tech peuvent être séparées en deux catégories selon leur modèle économique :

  • B2C : Ici, les startups développent des applications mobiles de scoring environnemental des dépenses quotidiennes des utilisateurs. La startup suédoise GoKind, par exemple, offre un indice de durabilité pour diverses enseignes et propose aux utilisateurs des alternatives responsables adaptées à leurs habitudes d’achats.
  • B2B : Doconomy* (top 1 % des startups notées par Early Metrics) s’est associée à Mastercard pour développer une offre de calcul des émissions de CO2 liées aux achats par carte bancaire. D’autres startups comme Yayzy* ou Carbon Zero ont développé des API à destination des banques pour leur permettre de calculer des émissions carbone en marque blanche. Enfin, Greenly (qui a levé 21 M€ en avril dernier) ajoute au bilan carbone des recommandations adaptées et une offre de compensation. Les kilos non consommés sont convertis en euros que les entreprises peuvent allouer au financement de projets durables.

3) Les solutions de compensation des émissions carbone

L’atteinte des objectifs climatiques fixés par les accords de Paris suppose de parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050. Stocker davantage de carbone sera donc un défi majeur de demain. En dehors des obligations règlementaires en vigueur, de plus en plus d’entreprises et de ménages s’impliquent dans le financement de projets de séquestration carbone. Plusieurs startups climate tech se proposent de sélectionner ces projets, de faire certifier leurs performances environnementales, puis de délivrer des crédits carbone.

  • Pledge permet aux entreprises des secteurs du transport de marchandises et du voyage de compenser les émissions carbone de leurs produits et du parcours d’achat de leurs clients.
  •  Cloverly développe une API qui connecte des plateformes e-commerce et entreprises à une marketplace de projets carbone vérifiés.
  • Compensate automatise le calcul des émissions des entreprises et met à leur disposition un tableau de bord afin de suivre l’impact de leurs projets de compensations carbone.
  • Climate Trade propose une soixantaine de projets de capture des émissions carbone. Elle utilise la blockchain pour permettre aux entreprises d’améliorer la traçabilité de leurs opérations et ainsi renforcer la confiance de leurs clients.
  • Sylvera propose un outil de notation de crédits carbone. Des algorithmes de machine learning analysent et traduisent une grande variété de données environnementales (images satellites ou Lidar) afin de renforcer la crédibilité des projets de compensation carbone.

4) Les plateformes de trading de crédits carbone

Les premières plateformes d’échange de crédits carbone commencent à apparaître, au sein d’un marché très fragmenté et difficile d’accès. Elles posent les fondements d’un marché qui entend devenir plus efficient, liquide et sûr.

  • Enmacc fut la première plateforme européenne de trading de gré à gré d’actifs environnementaux reliés à des projets énergétiques. Elle s’adresse principalement aux traders, banques, et entreprises industrielles à forte consommation d’énergie. Comme en bourse, ces derniers peuvent échanger divers produits : quotas d’émission, gaz compensé carbone ou encore certificats de crédits carbone.
  • SparkChange est allée encore plus loin en créant le premier ETC coté en bourse, adossé au cours des quotas d’émission carbone européens (EUA). Afin d’éviter le greenwashing, la société s’assure que les quotas détenus dans l’ETC ne puissent pas être utilisés par des sociétés polluantes.

5) Les plateformes d’investissements responsables

Dès 2015, le paysage financier a assisté à l’émergence de plateformes de crowdfunding et de crowdlending. Quelques-unes se sont alors dédiées à l’investissement à impact.

La crise du Covid-19 a marqué un point de bascule dans le secteur de l’ISR, depuis placé au centre de la stratégie des investisseurs. Les particuliers et surtout les milléniaux s’intéressent à ce type d’investissement ( +79% de recherches associées en 2 ans). Les actifs durables sous gestion ont atteint 35,3 trillions de dollars en 2020 (+15% en deux ans). Plusieurs startups ont alors pris acte de cette tendance :

Les plateformes d’épargne responsable :

Ces solutions combinent finance et éthique. Elles permettent aux particuliers d’allouer leur épargne au financement de projets responsables. Avec Goodvest*, les fonds placés sont gérés par des sociétés de gestion sélectionnées selon des critères ESG, de rendements et de risques associés. Nalo, Clim8 et Mon Petit Placement (assurance-vie, épargne salariale) ou encore CaravelPension, Circa5000 et Cushon (Plan d’épargne retraite) proposent également des produits de gestion individualisés sur des placements dans des ETF, fonds labellisés ou portefeuilles de projets responsables.

Les plateformes d’investissements directs :

Ces solutions permettent aux entrepreneurs à impact d’avoir accès à des sources de financement alternatives. Les particuliers peuvent pour leur part soutenir des projets qui font écho à leurs valeurs. Plusieurs plateformes de financement participatif proposent d’investir dans des projets d’énergies renouvelables à échelle locale, comme Raise Green aux États-Unis, ou bien Ecoligo dans les pays en développement. En France, Ecotree* propose à des particuliers et entreprises d’acquérir des arbres de massifs forestiers dont elle détient le foncier. Les bénéfices réalisés lors de la coupe sont ensuite reversés aux investisseurs.

6) Les logiciels d’automatisation de rapports ESG

La demande des régulateurs, des investisseurs mais aussi des clients et employés en matière de données ESG s’est intensifiée ces dernières années. Ce besoin de transparence fait face à trois principaux enjeux :

  • Il n’existe pas de normes ESG universelles mais une multitude de standards (GRI, SASB, CDP, IIRC).
  • La règlementation européenne en matière de durabilité est complexe et mouvante.
  • La collecte de données ESG est coûteuse : elles sont souvent fragmentées et multiformes.

Pour répondre à ces défis, plusieurs startups climate tech automatisent la création de rapports ESG afin d’entrer en conformité avec les nouvelles normes européennes.

  • Datia propose aux gestionnaires d’actifs et de patrimoine une API qui génère des rapports ESG personnalisés pour chacune des sociétés en portefeuille.
  • Atlas Metrics s’adresse directement aux PME. Elle propose un outil SaaS qui s’intègre aux systèmes IT de l’entreprise pour en extraire les données pertinentes, et automatiser l’édition de rapports ESG.

7) Les technologies de gestion des risques climatiques

Si de nombreux facteurs de risques sont traditionnellement considérés par les investisseurs, l’un d’entre eux a longtemps été délaissé : le risque climatique. Un rapport de l’ONU révèle que 560 catastrophes de moyenne et grande ampleur auront lieu chaque année d’ici 2030, contre 400 en 2015. Des sociétés climate tech se sont alors donné comme objectif de prédire ce risque climatique. Elles s’appuient sur la haute technologie pour cartographier les menaces de catastrophes naturelles pesant sur les actifs physiques et émetteurs d’obligations.

  • Climate X offre à divers secteurs (assurances, banques, immobilier, énergies et infrastructures) des outils analytiques spécifiques à leurs industries pour évaluer, prévoir et signaler l’exposition de leurs actifs physiques aux risques écologiques.
  • RisQ utilise imagerie satellitaire, bases de données publiques et IA pour prédire et quantifier le risque climatique de différentes zones géographiques. Destinée aux investisseurs obligataires, la solution divise les Etats-Unis en parcelles numériques de 100m sur 100, en y associant un niveau de risque.
  • Kettle offre une solution de réassurance aux assureurs traditionnels. Elle utilise des données satellites et Lidar pour prédire plus précisément les risques liés au changement climatique, comme les feux de forêts.

8) Finance décentralisée (DeFi) et tokenisation du carbone

L’achat de crédits carbone par les entreprises et particuliers rencontre plusieurs problèmes, à commencer par la transparence et la traçabilité des opérations. En déplaçant ces crédits vers la blockchain, les investisseurs, fournisseurs et régulateurs disposent d’une preuve irréfutable sur la nature du projet, dont les caractéristiques sont scellées et rendues aisément accessibles au plus grand nombre.

  •  Toucan rapproche marché volontaire de compensation carbone et web3. Elle propose aux détenteurs de crédits carbone un système de conversion en token intégrés à la blockchain, rendant accessibles des données standardisées sur ces actifs environnementaux.
  •  Single.earth incite les propriétaires fonciers à préserver les écosystèmes naturels sur leur terrain plutôt que de les raser au bénéfice de projets agricoles. Ces derniers peuvent émettre une monnaie virtuelle, le MERIT (1 jeton = 100 kg de CO2 capturés) correspondant à la valeur écologique de leur parcelle.
  • Klima DAO reprend le principe du marché obligataire en vendant des obligations collatéralisées par un actif carbone réel sous la forme de jetons (KLIMA), ouvrant droit au versement d’intérêts pour ses détenteurs.
  • Smart Forest propose de tokeniser les arbres pour décarboner l’atmosphère, à partir de 40 € pour l’acquisition d’un NFT.

Face à l’ampleur des défis écologiques à venir, les startups climate tech offrent des solutions alternatives et complémentaires au système bancaire traditionnel. Leur essor a d’ores et déjà permis d’ouvrir la finance durable au plus grand nombre, de répondre aux attentes écologiques des investisseurs particuliers comme professionnels, mais également d’éveiller l’intérêt des acteurs historiques.

Les Fintech durables européennes ont levé un montant record d’1,2 milliard de dollars en 2021 (soit 3x plus que toutes les années précédentes cumulées). Le secteur semble promis à un bel avenir.

Néanmoins, de nombreux défis restent à relever pour bâtir un écosystème efficient, crédible et robuste :

  • Transparence sur l’utilisation des fonds
  • Rassurance des investisseurs face aux soupçons de greenwashing
  • Convergence des normes règlementaires européennes
  • Évangélisation du concept de finance durable
  • Standardisation des méthodes de calcul et de tarification des crédits carbone

* Startup notée par Early Metrics

Par Nathan Abecassis, Analyste chez Early Metrics

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