Comment la femtech change notre vision de la santé des femmes

By Katerina Mansour - 18 mai 2022

Ce qui a commencé comme un concept niche il y a quelques années, devient maintenant un marché florissant. Une étude de McKinsey montre que la couverture médiatique, les financements investis et les startups créées autour de la femtech ont tous augmenté ces dernières années. Un pic d’intérêt des médias et des financements sécurisés a été atteint en 2021.

En effet, 2021 fut une année prometteuse pour l’industrie de la femtech. Un rapport de Rock Health a montré que les startups dans la santé numérique aux États-Unis au service des femmes et des fxmmes (terme dérivé de womxn, à vocation d’inclusivité) ont levé 1.3 Md$ de janvier à août 2021. Ce chiffre est au moins deux fois supérieur à celui de 2020. À l’échelle mondiale, Pitchbook rapporte qu’en 2021, les investissements de fonds VC dans la femtech ont dépassé les 1 Md$ pour la première fois.

Les États-Unis peuvent être vus comme pionniers dans ce domaine, puisqu’ils ont vu naître les plus grosses entreprises de femtech que nous connaissons. Flo Health, Tia et Kindbody en sont de bons exemples. En effet, Tia a sécurisé une des plus grandes levées de fonds des startups de la femtech, une Série B de 100 M$ en septembre 2021. Kindbody, de son côté, a atteint le statut de licorne au début de l’année 2022 après avoir acquis Vios Fertility Institute. En outre, l’Europe voit elle aussi une expansion des entreprises à succès de la femtech. Voici quelques levées de fonds notables :

  • Elvie (Série B de 42 M$)
  • Kheiron Medical (Série A de 22 M$)
  • Clue (levée de fonds VC, 16 M€)

Au-delà du financement, ce marché devrait également croître. En 2020, le marché mondial de la femtech était évalué à approximativement 22 milliards de dollars. Il devrait atteindre 60 milliards de dollars d’ici 2027.

Revenons d’abord sur ce qu’est la femtech, sur ses ambitions et son importance pour la santé des femmes. Quel futur nous promettent les avancées récentes de ce marché en plein essor ?

Qu’est-ce que la femtech ?

Le terme femtech est apparu en 2016 grâce à l’entrepreneuse danoise Ida Tin, créatrice de l’application Clue, qui permet de suivre ses cycles menstruels. Ce secteur désigne les technologies qui concernent la santé des femmes et leur bien-être. À ses débuts, la femtech se composait surtout d’applications qui permettaient aux femmes de suivre leurs règles et leur fertilité. Cependant, au fil du temps, un éventail complet de technologies et de dispositifs a vu le jour :

  • Des applications de suivi de sa santé et son bien-être au quotidien
  • Des applications qui aident à gérer les symptômes de la ménopause
  • Des appareils qui facilitent l’allaitement
  • L’inclusion dans des essais cliniques et la recherche
  • Des tests innovants pour déterminer son niveau de fertilité
  • De nouvelles formes de contraception
  • Une IA précise et des tests génétiques pour déterminer la meilleure contraception
  • Des sous-vêtements menstruels
  • Des produits de règles bio
  • Des nouveaux traitements pour des maladies comme l’endométriose
  • Etc.

Il convient de noter que le terme femtech a essuyé quelques revers. En effet, beaucoup l’ont perçu comme n’étant pas assez inclusif. Les personnes trans et non-binaires, par exemple, peuvent avoir le même corps qu’une femme cisgenre sans pour autant s’identifier en tant que femmes. En ce sens, nombreux sont ceux qui souhaitent que le terme femtech est et doit être inclusif envers les communautés trans et non-binaires.

Pourquoi est-ce important aujourd’hui ?

Des études montrent que seulement 4 % de tout le financement de R&D pour les produits et services de santé sont dédiés à la santé des femmes. De plus, 65 % de ce montant porte sur la fécondité. Historiquement, la santé des femmes n’a jamais été une priorité dans le domaine de la santé. Dans les faits, avant la fin du 20e siècle, la plupart des pays n’incluaient pas les femmes dans leurs essais cliniques. Par exemple, ce n’est qu’en 1993 que la loi fédérale a exigé que les chercheurs financés par le NIH incluent les femmes dans leurs essais cliniques.  

La croyance antérieure selon laquelle il n’y aurait pas de différence entre les études menées sur des hommes ou des femmes a conduit à des lacunes dans la compréhension de la santé des femmes. Il y a des différences biologiques notables entre les hommes et les femmes. Ces différences peuvent impacter le fonctionnement du traitement selon le sexe du patient. Par exemple, les femmes métabolisent les médicaments différemment des hommes. Nous n’avons découvert que récemment que les symptômes de la crise cardiaque ne se manifestent pas de la même façon chez les femmes que chez les hommes.

De nos jours, l’industrie de la femtech aide à rectifier le tir et à mettre en lumière une grande quantité de données, pour améliorer la santé des femmes. Elle aide également à rendre la santé plus accessible et moins chère aux femmes. En effet, Frost & Sullivan ont découvert que les femmes en âge de travailler aux États-Unis dépensent 29 % de plus par habitant pour leur santé, que les hommes.

De nombreux chercheurs et d’activistes ont mis en avant cette donnée qui montre que les femmes sont trop souvent incomprises, mal diagnostiquées et maltraitées. Par exemple, les femmes sont 50 % plus susceptibles que les hommes d’être mal diagnostiquées après une crise cardiaque selon une étude de la University of Leeds. Elles sont 30 % plus à risque d’être mal diagnostiquées après un AVC. Afin de changer les choses, de nombreuses startups de la femtech inventent de nouvelles technologies et des solutions qui aident à équilibrer la balance et à réduire ces chiffres.

Des nouvelles du domaine de la femtech

De grands groupes du secteur de la santé se sont intéressés au domaine de la femtech. Ils investissent de plus en plus et s’associent à d’impressionnantes startups qui ont émergé dans ce domaine.

  • Fin 2020, Bayer a racheté la startup biotech basée au Royaume-Uni Kandy Therapeutics. La startup a développé un traitement non hormonal pour les symptômes de la ménopause.
  • Axa Health a signé en janvier 2022 un partenariat avec la startup femtech Peppy, basée au Royaume-Uni, afin d’offrir à ses clients business une application d’aide personnalisée pour la ménopause, la fécondité, la grossesse et les jeunes parents.
  • Merck a signé un accord avec Alydia Health début 2021 afin de racheter la startup via sa société de scission, Organon. La startup de dispositifs médicaux cherche à prévenir la mortalité à l’accouchement, causée par des hémorragies postpartum ou des saignements utérins postpartum anormaux.

De plus, l’écosystème startup met les moyens pour booster le secteur de la femtech. Station F a récemment annoncé qu’elle lançait un programme femtech sur son campus de startups. Dans le même temps, fin 2021, Organon s’est associé à Flat6Labs pour lancer un programme d’accélérateur de la femtech. Son but est d’aider les startups menées par des femmes en leur proposant des offres d’assurance santé numériques dans la région du Maghreb et Moyen-Orient.

Les institutions de santé publique suivent également le mouvement, et lancent des partenariats avec les startups de la femtech. En 2018 par exemple, la startup femtech Elvie a signé un partenariat avec le service de santé publique au Royaume-Uni pour propager son dispositif d’entraînement périnéal dans le pays et sans surcoût pour les patientes.

Un long chemin à parcourir

Bien que de nombreuses histoires à succès émergent dans l’industrie de la femtech, il reste encore beaucoup à faire. Par exemple, l’accès au financement VC reste un défi pour les acteurs de la femtech. Les études montrent que selon l’année et la région, seulement 1 % à 5 % des financements VC sont dédiés aux fondatrices de startups ou aux équipes entièrement féminines. Et pourtant, les créateurs de startups femtech sont bien souvent des créatrices. De plus, bien que nous ayons avancé sur le sujet, les préjugés sexistes ont toujours cours dans le secteur de la santé. Une étude récente montre que 52 % des femmes pensent que la discrimination de genre a impacté négativement leurs soins médicaux (Forbes).

En ce sens, le chemin à parcourir pour la femtech est encore long, jalonné d’obstacles de taille. Pourtant, il est difficile de ne pas se sentir optimiste lorsque nous jetons un œil aux récents succès et actualités des startups de la femtech dans le monde. Alors que la sensibilisation continue, et que les institutions, comme les gouvernements, prennent plus de mesures afin de mieux comprendre et aborder au mieux la santé des femmes, nous pouvons être sûrs que nous verrons de plus en plus d’histoires à succès dans la femtech dans le monde.

Traduit de l’anglais par Robin Vettier

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