Décarbonation de l’industrie : les solutions des startups
By Early Metrics Team - 19 septembre 2022
Lors de la COP 21 de 2015, la communauté internationale s’est engagée pour la neutralité carbone en 2050 afin de limiter le réchauffement climatique. Toutefois, en 2022 le rapport du GIEC est alarmant, particulièrement en ce qui concerne l’industrie, qui est toujours responsable de 20 % des émissions de gaz à effet de serre en France, et de 26 % dans le monde.
La décarbonation de l’industrie pourra être rendue possible grâce à l’investissement des gouvernements, mais également grâce au travail des grands groupes et des initiatives entrepreneuriales. Les industriels français se sont engagés, par exemple, dans leur feuille de route à investir massivement afin d’atteindre 28 % de réduction des émissions en 2030 par rapport à 2015, soit une réduction de 18,5 MtCO. Ils pourront s’appuyer sur l’écosystème startups afin d’atteindre leurs objectifs. Les startups offrent notamment des solutions pour : la réduction de la consommation énergétique des industries, l’utilisation de matériaux et d’énergies plus propres, mais aussi la capture et valorisation des émissions de carbone.
Dans cet article, nous vous présentons les diverses solutions offertes par l’écosystème startups afin d’aider ces acteurs industriels à décarboner leur activité.
1. Réduire la consommation énergétique
A l’échelle mondiale, en 2019, l’industrie était responsable de 42 % de la consommation finale d’électricité, 38 % des gaz naturels et 7 % du pétrole. Par ailleurs, même si le secteur du transport consomme le plus de pétrole, l’industrie se place en seconde position dans de nombreux pays, comme les Etats-Unis. L’industrie française, quant à elle, consomme en moyenne l’équivalent de 35 millions de tonnes de pétrole par an. Afin d’aider l’industrie à atteindre ses objectifs de réduction d’émissions de CO2, des startups œuvrent à la réduction de la consommation de nouvelle énergie. C’est ainsi que deux solutions sont alors possibles : revaloriser ou réduire l’énergie utilisée.
De nombreux processus industriels utilisent de l’énergie qui n’est pas pleinement valorisée, c’est le cas par exemple avec des processus nécessitants de fortes chaleurs, comme dans l’industrie pétrochimique : la chaleur utilisée pour transformer la matière n’est pas récupérée à la fin du processus. Or, 16 % de la consommation de combustible dans l’industrie française est rejetée sous forme de chaleur fatale, et donc revalorisable. Ainsi, des startups comme Water Horizon ont travaillé sur des technologies afin de récupérer la chaleur fatale, la stocker et la redistribuer, ou sinon la réinjecter sur le réseau électrique, telle que fait Hevatech avec sa solution Turbosol. D’après Hevatech, cela permet une réduction jusqu’à 95 % des émissions de CO2 pour le consommateur.
D’autres startups développent des plateformes afin de permettre aux industriels de superviser leur consommation énergétique et les aider à la réduire. C’est par exemple ce que propose la startup PureControl. Grâce à la construction d’un jumeau numérique, la startup peut analyser les dérives de performances, identifier les sources d’économie énergétiques, et intégrer les différents facteurs d’influence afin de réguler l’installation en temps réel.
2. Utiliser de l’énergie et des matériaux plus propres

La réduction de la consommation n’est toutefois pas suffisante pour atteindre les objectifs fixés au niveau industriel. Afin d’appuyer la décarbonation de l’industrie, des startups travaillent sur la matière première et l’utilisation de matériaux et énergies plus responsables.
En effet certaines industries telle que l’industrie lourde souhaiteraient utiliser de l’énergie verte mais se retrouvent face aux problèmes d’approvisionnement. L’énergie verte est variable et imprévisible (due aux conditions climatiques), or ces industries nécessitent un apport continu en électricité. Elles ont donc recours à des énergies fossiles hautement disponibles.
Afin de pallier ce problème certaines startups comme Antora, travaillent sur des technologies de stockage de l’énergie verte pour appuyer la décarbonation de l’industrie. Leur technologie récupère l’énergie solaire / éolienne en excès pour chauffer des blocs de carbone afin de stocker cette énergie thermique, qui peut ensuite être convertie à la demande en électricité. L’énergie reste dans le bloc de carbone sous forme de chaleur, stockée sans perdition.
En dehors de l’énergie propre, certaines industries telles celle de la construction ou encore le textile utilisent des matériaux à l’origine d’importantes émissions de CO2 : c’est le cas du béton issu de calcaire chauffé à 1 450 degrés ou encore de certaines matières dont l’extraction est particulièrement polluante, telles que le fer, le chrome ou encore l’aluminium. Il est donc essentiel de trouver des alternatives à ces matériaux. Par exemple, CH-Bioforce a développé un nouveau procédé afin de transformer la biomasse en trois matériaux qui peuvent être utilisés pour remplacer les matières à base de pétrole et / ou d’aliments pour les textiles, les emballages, la cosmétique et d’autres produits.
3. Capturer les émissions déjà émises pour les revaloriser
Ces différentes technologies permettent de réduire les émissions de CO2. Mais une fois le CO2 émit, il existe tout de même une manière de réduire l’impact néfaste sur le climat à travers les technologies de capture du CO2 et de revalorisation.
Plusieurs technologies existent pour capturer les émissions de CO2. Le premier moyen de revalorisation consiste à créer un cercle vertueux en séquestrant sous terre le CO2 capturé afin de le transformer de nouveau en hydrocarbure à terme. C’est par exemple ce que réalise Terracoh (placée dans le top 30 % des startups notées par Early Metrics) ou encore See02. Leur technologie décompose les gaz à effet de serre en divers carburants pour produire de l’électricité, de la chaleur, de l’oxygène et de l’énergie.
D’autres technologies utilisent le CO2 afin de constituer des matériaux tels que le ciment / l’agrégat. Par exemple, Blue Planet (placée dans le top 30 % des startups notées par Early Metrics) combine le dioxyde de carbone récupéré avec du calcium provenant des déchets, pour fabriquer un agrégat de calcaire synthétique, utilisable pour le bâtiment. D’autres startups travaillent sur d’autres matériaux, comme Lanzatech qui travaille sur une large gamme de produits à base de CO2 revalorisé : du parfum à la lessive, en passant par le textile.
Certaines startups travaillent sur la capture et le stockage du CO2 sans objectif de revalorisation mais afin de réduire la pollution atmosphérique. Par exemple, Carbfix capte le CO2 soit par sa dissolution dans l’eau à partir des centrales électriques, soit directement dans l’atmosphère par captage dans l’air suivi de sa dissolution dans l’eau. L’eau carbonée est ensuite injectée dans le sous-sol où elle réagit avec la roche pour se solidifier et ainsi être stockée.
Le chemin est encore long…
L’écosystème startup propose donc de nombreuses solutions afin de réduire l’impact de l’industrie sur l’environnement. Ces solutions ont bien entendu chacune leurs limites et l’industrie doit développer une stratégie de durabilité complète qui s’attaque à toutes les étapes de la production afin d’avoir un réel impact.
Aujourd’hui, les fonds d’investissements participent activement à l’éclosion de ces nouvelles technologies. D’après Climate Tech VC, les startups climate tech ont levé environ 40 Mds$ en 2021, avec un fort taux d’investissements dans le secteur de l’énergie. Par ailleurs, aux États-Unis, un des plus grands émetteurs d’émissions carbone à l’échelle mondiale, il y a eu 6.8 Mds$ d’investis en 2021 dans la Greentech, un record dans le secteur. L’accès à ce type d’investissement et la popularisation des partenariats entre startups et grands groupes de l’industrie permettra à ce secteur de continuer sa lancée vers des pratiques plus durables. Néanmoins, le chemin est encore long pour la décarbonation de l’industrie, et demandera encore du temps, énormément d’efforts et des investissements importants.