L’assurance dématérialisée : tendances clés de la digitalisation de l’assurance
By Anais Masetti - 30 avril 2021
Pour les acteurs du secteur, il ne s’agit pas de savoir si la numérisation ou digitalisation de l’assurance aura lieu, mais quand. Alors pourquoi l’assurance dématérialisée n’est-elle pas encore devenue la norme ?
L’assurance est historiquement un secteur à forte consommation de papier, en raison des réglementations et des processus stricts qui exigent une grande quantité de documents. Le constat actuel est que la quantité de documents requis va continuer à augmenter. Les organismes de réglementation européens exigent des assureurs une plus grande responsabilité et une plus grande transparence, ce qui se traduit par une augmentation du nombre de formulaires et de traces écrites.
Parallèlement, les clients et les employés du secteur de l’assurance évoluent et s’attendent à des processus de plus en plus numérisés. Les nouvelles technologies telles que la blockchain et l’ECM (Gestion du Contenu de l’Entreprise) dans le cloud offrent un grand potentiel à cet égard. Dans notre base de données de plus de 30 000 startups qualifiées, nous avons observé une forte croissance de ces outils technologiques conçus pour la digitalisation de l’assurance et de ses processus existants.
Pourquoi l’assurance dématérialisée est-elle un enjeu important ?
Avant de plonger dans les technologies et les sociétés innovantes à l’origine de cette tendance, arrêtons-nous sur les raisons qui incitent les assurances à passer au numérique.
Rentabilité et efficacité
Le papier coûte cher à stocker et à gérer. On estime que l’on pourrait économiser 0,53€ sur chaque document émis électroniquement par rapport au papier. De plus, comme le dit l’adage, le temps, c’est de l’argent, et les formulaires papier prennent plus de temps à remplir et à traiter que les documents numériques.
Risques de mauvaise gestion
Un autre inconvénient de la documentation papier est qu’elle présente un risque de mauvaise gestion plus important que ses pendants numériques. Les fichiers papier peuvent se perdre et être endommagés, des erreurs peuvent être introduites lors de la transcription numérique des informations… Les logiciels de gestion de documents numériques peuvent donc réduire les risques grâce à des sauvegardes automatiques qui identifient et même corrigent les erreurs humaines. En outre, la numérisation des données dès le départ facilite l’extraction, l’agrégation et l’analyse des données.
Satisfaction client
En plus d’être rentable, l’assurance dématérialisée peut également permettre une meilleure expérience client. Il en résulte naturellement une plus grande satisfaction clients et un taux de résiliation plus faible. De nombreux consommateurs acceptent et apprécient la facturation électronique, par exemple. Les assurés sont aussi très sensibles au fait de pouvoir choisir la manière dont ils accèdent à leurs documents, effectuent des transactions ou interagissent avec le service clientèle, que ce soit par des canaux numériques ou traditionnels. Enfin, il ne faut pas oublier le développement durable, car les entreprises et les consommateurs sont susceptibles de préférer le canal numérique au papier en raison de son incidence moindre sur l’environnement.
S’adapter à la pandémie
En raison de la pandémie de la Covid-19, les échanges en face à face entre les employés des compagnies d’assurance et les assurés n’ont pas été possibles ou ont été évités pendant la majeure partie de l’année 2020. Les assureurs ont dû accélérer leur digitalisation pour permettre à leur personnel de travailler à domicile. Les processus d’assurance en ligne sont donc devenus une exigence plutôt qu’un « nice to have ». Ce n’est pas seulement vrai pour les assurances. Dans tous les secteurs, l’avenir du travail semble moins dépendre de la présence au bureau, même hors période de pandémie. Ainsi, une main-d’œuvre plus distribuée exige de meilleurs processus numériques pour la création et la gestion des documents.

Quels sont les principaux cas d’usage des solutions d’assurance en ligne ?
KYC et authentification des clients
S’assurer qu’un client est bien celui qu’il prétend être et vérifier la véracité des informations qu’il fournit implique un volume important de documentation. C’est pourquoi les solutions dématérialisées pour le KYC dans la banque et l’assurance ont connu une émergence rapide au cours des cinq dernières années. Grâce aux smartphones et à la technologie de reconnaissance d’image qui s’améliorent rapidement, les assureurs disposent désormais de plusieurs moyens pour effectuer des contrôles KYC.
Ubble, par exemple, utilise le streaming vidéo en direct pour authentifier les documents d’identité de ses nouveaux clients. En filmant simplement sa carte d’identité, un assuré peut attester de son identité en quelques secondes. Les algorithmes de la startup analysent les éléments visuels et holographiques, ce qui rend l’authentification plus précise que celle qui repose sur une simple photo. Classée dans le top 10% des startups notées par Early Metrics en 2020, Ubble est l’un des nombreux exemples de nouveaux facilitateurs KYC sans papier.
Classification, saisie et distribution des documents
Le passage du papier au numérique implique de pouvoir fournir des documents aux clients, de leur permettre de les remplir et de les renvoyer, puis d’analyser les informations par le biais de canaux numériques. Les formulaires en ligne transmis par voie électronique ou sur un site web sont très répandus et font parfaitement l’affaire. Mais les assureurs peuvent-ils aller un peu plus loin ?
L’automatisation et l’intelligence artificielle font leur chemin dans ces processus d’assurance sans papier dans le but d’en améliorer la vitesse et la facilité d’utilisation. Un exemple souvent cité est celui de Lemonade. Grâce à la technologie TALN, le chatbot de cette Insurtech américaine aurait traité en 3 secondes une déclaration de vol pour un manteau d’une valeur de 979$. Ainsi, en analysant le comportement des utilisateurs, l’apprentissage automatique et d’autres protocoles d’IA peuvent réduire le nombre d’interactions et d’étapes nécessaires à la réalisation des processus d’assurance. En outre, l’automatisation peut être appliquée à la classification des documents numériques, ce qui permet de les retrouver plus facilement dans les systèmes ECM.
La reconnaissance et l’analyse automatisées de la voix constituent une autre solution technologique émergente pour les assurances. La reconnaissance vocale peut non seulement permettre de vérifier l’identité de l’assuré, mais aussi de remplir directement un document numérique en enregistrant et en transcrivant automatiquement les réponses d’un client lors d’un entretien téléphonique. Ce procédé permet de gagner un temps précieux pour les employés qui peuvent alors se consacrer à des tâches à plus forte valeur ajoutée.
Stockage et accessibilité des documents
Dans la plupart des cas, les procédés existants sont encore cloisonnés dans le secteur de l’assurance. Cette situation engendre des obstacles d’intégration et, par conséquent, des problèmes de conformité en matière de confidentialité des données. L’occasion est ainsi manquée de regrouper les données et d’en tirer des enseignements utiles pour le développement de produits, par exemple. Les systèmes de gestion de contenu d’entreprise (ECM) doivent évoluer pour rendre les données accessibles et exploitables par tous les départements.
Les systèmes ECM basés sur le cloud peuvent être une solution. La technologie cloud permet une plus grande flexibilité et scalabilité dans le stockage des documents. À une époque où les effectifs distribués et le télétravail se généralisent, le cloud semble être une voie évidente pour rendre les documents accessibles aux employés.
Sécuriser et certifier les documents
Garantir le plus haut niveau de sécurité et de confidentialité des données est primordial dans le domaine des assurances. Il s’agit notamment d’identifier et de prévenir la fraude. Les solutions blockchain sont très prometteuses pour fournir des garanties solides aux processus en ligne.
L’écosystème startups européen est riche en solutions de ce type. Parmi les startups notées par Early Metrics, Stratumn est l’une de celles qui ont affiché un très fort potentiel de croissance. La startup développe des solutions de blockchain et de cryptographie destinées aux groupes bancaires et d’assurance et applicables à une variété de cas d’usage (de la prévention de la fraude à la certification et au partage sécurisé de documents par voie numérique).

Quels sont les risques associés à l’assurance dématérialisée ?
L’innovation crée toujours de nouvelles opportunités, mais aussi de nouvelles menaces. Bien que la balance penche largement du côté des avantages, la digitalisation de l’assurance comporte certains risques.
Cybersécurité
Plus tôt, nous avons fait l’éloge de la gestion numérique des documents car moins sujette aux erreurs de gestion que la gestion papier. On pourrait donc penser que les documents sont plus sûrs lorsqu’ils sont traités numériquement. Pourtant, l’augmentation de la cybercriminalité donne aux assureurs de bonnes raisons de se méfier de la numérisation.
Il est essentiel que, parallèlement aux efforts de numérisation, les compagnies d’assurance investissent autant de ressources dans la cybersécurité. Il peut s’agir d’adopter des protocoles de cryptographie, mais aussi de former régulièrement le personnel. En effet, une étude d’IBM a montré que l’erreur humaine est la première cause de 95 % des violations de la cybersécurité. D’où l’importance d’une formation et d’un audit appropriés et réguliers en matière de cybersécurité.
Là encore, les startups peuvent aider les assureurs à garder une longueur d’avance sur les cybermenaces tout en adoptant de nouvelles technologies. C’est le cas de PeckShield, dans le top 10% des startups notées par Early Metrics, qui a conçu une solution d’identification des vulnérabilités au sein d’une blockchain.
Accessibilité et inclusion
Quel que soit le secteur d’activité, la numérisation soulève une préoccupation majeure : certains clients seront-ils laissés pour compte ? Qu’il s’agisse de personnes âgées ou de populations rurales n’ayant qu’un accès limité à Internet, les canaux numériques ne conviennent pas à tout le monde. Pour s’assurer que les assurés ne se sentent pas aliénés par les nouveaux processus en ligne, les compagnies d’assurance devraient envisager de maintenir l’option de la documentation traditionnelle sur papier tout en ajoutant des alternatives sans papier.
En outre, lorsqu’ils adoptent des solutions numériques, les assureurs doivent veiller à proposer des alternatives inclusives. Ipedis (startup notée par Early Metrics) fait partie des fournisseurs de technologies qui soutiennent cet effort. Sa solution permet aux entreprises de rendre les documents numériques accessibles aux personnes malvoyantes, conformément à la directive européenne sur l’accessibilité du Web.
Un manque de compétences numériques
Les clients ne sont pas les seuls à se sentir aliénés par les nouvelles technologies. Sans les conseils appropriés, les salariés pourraient finir par se sentir dépassés par un changement soudain des méthodes de travail traditionnelles. Les départements d’open innovation jouent un rôle important pour garantir que le personnel concerné par les nouvelles solutions dématérialisées soit pleinement formé et ait accès à un soutien continu.
En ce qui concerne l’automatisation, il est également important de préciser que les solutions numériques actuelles ne sont rien d’autre que des outils qui permettent aux employés de faire leur travail plus rapidement et mieux. Remplacer le personnel par une intelligence artificielle n’est pas encore envisagé, du moins pas à court terme.
Bien qu’il reste encore des obstacles et des risques à surmonter, il semble que la digitalisation de l’assurance ne fasse que s’accélérer. La pandémie de la covid-19 a rendu extrêmement saillante la nécessité d’alternatives numériques aux processus traditionnels. Ce à quoi la plupart des acteurs de l’assurance, qu’ils soient historiques ou récents, ont répondu. Pendant ce temps, l’écosystème startups continue de fournir des solutions toujours plus innovantes pour passer au zéro papier de manière sûre, inclusive, durable et efficace. Un segment de marché à surveiller dans les mois à venir…