L’essor du commerce inclusif : un nouvel impératif pour les marques
By Katerina Mansour - 30 juillet 2021
Au cours de l’année passée, le secteur du retail a connu certains bouleversements. La pandémie de Covid-19 a entraîné de nombreux défis mais aussi de nombreuses opportunités qui ont contribué à façonner l’avenir du commerce de détail et du e-commerce. Ce secteur se réinvente déjà depuis un certain temps. Du shopping augmenté au marketing phygital, de nombreuses tendances ont émergé pour permettre aux détaillants de faire bouger les lignes traditionnelles, de stimuler leur croissance et de rester à la hauteur des nouvelles attentes clients.
Parmi ces tendances, un appel a été lancé aux enseignes pour qu’elles adoptent la diversité et l’inclusion, en magasin comme en ligne. Nous allons explorer ce qui se cache derrière l’appellation commerce inclusif et les raisons pour lesquelles les détaillants devraient l’appliquer.
Inclusivité et diversité, quelle est la différence ?
Avant de poursuivre, il est essentiel de distinguer la diversité de l’inclusion, deux concepts étroitement liés. La diversité fait référence aux différents facteurs susceptibles de nous différencier : âge, race, sexe, religion, orientation sexuelle, nationalité, handicap, etc.
D’autre part, l’inclusivité fait essentiellement référence à la manière dont nous traitons les différents individus. Être inclusif suppose de ne pas exclure les personnes en fonction de facteurs tels que la race ou le sexe. Il s’agit également de veiller à ce que les différents individus se sentent bien intégrés.
« La diversité, c’est être invité à la fête ; l’inclusion, c’est être invité à danser ».
Verna Myers, experte en diversité et en inclusion
La distribution inclusive : une nécessité à adopter
La vente au détail inclusive recouvre une grande variété de sujets. Le site web et les magasins d’un détaillant doivent être accessibles aux personnes handicapées par exemple. Les campagnes de marketing doivent embrasser la diversité afin de promouvoir un sentiment d’inclusion au sein des groupes minoritaires. Les produits doivent aussi tenir compte de la diversité des acheteurs potentiels.
Une enquête réalisée en 2018 par Accenture a montré que les millennials étaient plus susceptibles de choisir une marque plutôt qu’une autre si elle faisait preuve d’inclusion et de diversité dans :
- ses promotions et ses offres (70%),
- sa gamme de produits (68%),
- l’expérience offerte en magasin (66 %).
Entrons donc dans le détail de ces trois points.
1 – Sites web et magasins inclusifs
Comment l’inclusion peut-elle être un enjeu pour les sites web et les magasins, au-delà de l’accessibilité aux handicapés ? La question est légitime. Tout peut jouer un rôle, des produits présentés en magasin aux visuels promotionnels affichés en ligne. L’expérience d’un acheteur en magasin dépendra aussi du personnel et des politiques de sécurité mises en place.
L’expérience en magasin
Les détaillants ont un rôle à jouer pour s’assurer que les clients de toutes origines se sentent bien accueillis. Les politiques en matière de vol à l’étalage devraient être axées sur le comportement et non sur la couleur de peau ou la tenue vestimentaire. De même, le fait de promouvoir un personnel diversifié peut aider les clients en magasin à se sentir mieux représentés.
La présentation et l’aménagement d’un lieu de vente peuvent également avoir un impact. L’inclusivité peut se traduire par la mise en avant de profils divers dans les représentations promotionnelles en magasin. Lorsqu’un client entre et voit des modèles qui lui ressemblent, il est plus susceptible de s’identifier à la marque ou aux campagnes en cours. En outre, les articles comme les vêtements grandes tailles gagneraient à être clairement exposés plutôt que relégués au coin sombre du fond de la boutique. L’idée générale ici est simplement de s’assurer que l’agencement et le design du magasin mettent en valeur la diversité de bout en bout, afin que tous les clients soient également à l’aise lorsqu’ils font leurs achats.
Un exemple intéressant d’expérience inclusive en magasin est celui de la chaîne de supermarchés britannique Morrisons. L’entreprise a introduit une « heure plus calme » en 2018 pour améliorer l’expérience d’achat des consommateurs autistes. Cette démarche implique des mesures comme le fait de tamiser les lumières, éteindre la musique/radio, éviter les annonces, baisser les bips des caisses et autres bruits électriques.
L’expérience en ligne
En ce qui concerne les achats en ligne, les détaillants doivent s’assurer que leurs sites web répondent aux besoins d’accessibilité. Freeney Williams, un cabinet de conseil sur le handicap et la diversité, a estimé que les détaillants britanniques perdent environ 17 milliards de livres par an en ne répondant pas aux besoins des acheteurs en ligne handicapés. La recherche appuie en outre cette conclusion en montrant que les consommateurs en ligne handicapés quitteront un site web s’ils le trouvent difficile à utiliser. En effet, une enquête menée en 2019 par Click-Away Pound a montré que 75 % des participants ont choisi de payer plus cher pour un produit sur un site Web accessible plutôt que d’acheter le même produit sur un site Web moins accessible.
Les détaillants peuvent s’assurer que leur site web est accessible en adoptant une série de petits changements :
- Toute vidéo sur le site doit être sous-titrée pour les personnes malentendantes.
- L’utilisation de caractères gras et de grands textes peut également être plus ergonomique pour les malvoyants.
- La navigation au clavier, la recherche vocale et les balises alt sont autant d’options qui peuvent contribuer à améliorer l’accessibilité d’un site pour les personnes handicapées.
2 – Campagnes marketing inclusives

Campagnes marketing et retombées médiatiques
Certaines grandes marques ont été la cible de critiques pour leur manque d’inclusivité, notamment dans le secteur de la mode. Victoria’s Secret en est un exemple éloquent et récent. L’entreprise a été accusée à plusieurs reprises de perpétuer des stéréotypes dangereux et de manquer de toute forme de diversité. De fait, l’absence de mannequins grandes tailles, ainsi que les remarques de l’ancien PDG sur le fait que les mannequins transgenres n’avaient pas leur place dans le défilé de mode de la marque, ont touché une corde sensible chez de nombreux consommateurs.
Il existe plusieurs autres exemples de faux-pas en matière de diversité dans les campagnes marketing qui illustrent l’importance de l’inclusivité dans le secteur du retail. En 2019, Dolce & Gabbana a fait face à un important retour de bâton pour une publicité qui mettait en scène une Chinoise essayant de manger de la nourriture italienne avec des baguettes. Perçue comme stéréotypée et raciste, la publicité a eu des effets désastreux sur la popularité de la marque en Chine.
Ces réactions des consommateurs reflètent une sensibilisation accrue aux questions de diversité et d’inclusion. Elles reflètent également le désir des consommateurs d’un marketing inclusif.
Appel à plus de représentativité dans les campagnes publicitaires
Dans le milieu de la beauté, la demande d’inclusivité, tant en termes de gammes de produits que de publicités, est plus forte que jamais. Les femmes blanches et de petite taille constitue encore le type de corps mis en avant dans ce secteur. Cependant, parallèlement à l’évolution de l’inclusivité des gammes de produits (comme la ligne Fenty Beauty de Rihanna), on assiste à des demandes de campagnes marketing qui représentent plus fidèlement la diversité des consommateurs.
Un des progrès dans ce domaine a été l’inclusion des hommes dans la beauté. CoverGirl a fait l’actualité mondiale en 2016 pour avoir inclus son tout premier homme CoverGirl, autrement dit un ambassadeur pour la marque. Par ailleurs, des marques ont fait des efforts marketing pour être plus inclusives envers les communautés LGBTQ+. Par exemple, Superdrug a lancé une gamme de produits pour les règles dont l’emballage et les efforts marketing ciblent les « personnes qui ont leurs règles » plutôt que les femmes, dans un effort d’inclusion des consommateurs non binaires et trans.
Si les industries de la mode et de la beauté ont été au cœur des appels à plus d’inclusivité, cette demande de changement s’étend à tous les secteurs de la consommation. Plus de 75 % des consommateurs de la génération Z déclarent qu’ils mettront fin à une relation avec une marque dont les campagnes publicitaires sont perçues comme machistes, racistes ou homophobes. À l’inverse, se sentir représenté par une marque peut stimuler les ventes. Selon une enquête Think with Google de 2019, 69 % des consommateurs noirs sont plus susceptibles d’acheter auprès d’une marque dont la publicité reflète positivement leur race/ethnicité.
Une prise de conscience en cours mais un changement qui tarde
Si les spécialistes du marketing reconnaissent de plus en plus que la diversité et l’inclusion sont essentielles, il reste encore beaucoup de progrès à faire. Une étude de Facebook a montré que 54 % des consommateurs ne se sentent pas pleinement représentés dans les publicités en ligne. Ce sentiment est repris par plusieurs études montrant qu’il y a encore un énorme manque d’inclusivité dans les campagnes publicitaires. Un rapport Heat Test 2019 a montré qu’une personne sur quatre a un handicap, mais que seulement 1 % des publicités les représentent. De plus, si davantage de femmes sont incluses dans les publicités, leur rôle dans ces dernières peut être problématique. En effet, beaucoup d’entre elles impliquent des stéréotypes genrés (la maman attentionnée, l’épouse dévouée, etc.).
3 – Des produits inclusifs
En 2017, Rihanna a lancé ce qui est maintenant considéré comme l’une des marques de beauté les plus inclusives du secteur : Fenty Beauty. En commençant par une gamme de fonds de teint à 40 nuances (50 aujourd’hui), elle a remué l’industrie et a placé la barre haut pour les autres marques de beauté. En effet, les gammes de fonds de teint sont problématiques dans la communauté de la beauté depuis un certain temps. De nombreuses marques ont été confrontées à des réactions négatives pour des lignes de produits qui ne proposaient que des teintes adaptées aux peaux claires. Ces gammes de produits de beauté n’offrent souvent qu’une ou deux options pour les consommateurs aux teints plus foncés.

L’industrie de la beauté introduit aussi peu à peu des produits adaptés aux consommateurs handicapés. Un exemple récent s’incarne dans la nouvelle ligne de produits de beauté de Selena Gomez, Rare Beauty. L’emballage de la société facilite l’application des produits pour les personnes dont les mouvements articulaires sont limités.
Côté mode, l’offre d’un plus grand choix de tailles a été une tendance majeure de la dernière décennie. Les détaillants élargissent les options disponibles afin que les consommateurs grandes tailles puissent trouver ce dont ils ont besoin.
L’inclusivité a également sa place dans les emballages. Alors que certains emballages comportent du braille, des inscriptions en relief ou des marqueurs tactiles peuvent également être utiles aux consommateurs malvoyants. La marque de soins capillaires Herbal Essences de Proctor & Gamble en est un exemple. La marque inclut des lignes ou des points tactiles sur le dessus de ses bouteilles de shampooing et d’après-shampooing. Cela permet aux consommateurs malvoyants de différencier les bouteilles. Quatre lignes correspondent au shampooing, deux rangées de points à l’après-shampooing.
Parmi les autres exemples d’inclusion dans d’autres secteurs, peut être citée la manette adaptative Xbox de Microsoft pour les utilisateurs à mobilité réduite ou encore le déodorant inclusif de Degree pour les consommateurs souffrant d’une déficience visuelle et d’un handicap moteur des membres supérieurs (conception en crochet pour une utilisation d’une seule main, fermetures magnétiques, positionnement amélioré de la poignée et étiquette en braille).
Les startups qui adoptent ou facilitent le commerce inclusif
Le commerce inclusif ne concerne pas seulement les grandes marques. En effet, de nombreuses startups et PME du secteur du retail ont fait de l’inclusion une partie de l’ADN de leur marque. Certaines startups ont également développé des outils et des technologies pour aider les marques du retail à devenir plus inclusives.
Voici quelques exemples notables tirés de la base de données d’Early Metrics, qui compte plus de 35 000 startups qualifiées :
- Stark développe une boîte à outils pour aider les concepteurs et les développeurs à créer des produits accessibles pour les malvoyants.
- Lalaland développe des modèles numériques hyperréalistes alimentés par l’IA pour que les détaillants en ligne puissent présenter plus facilement des vêtements sur des modèles différents.
- Kohl Kreatives met au point des brosses de maquillage brevetées, dotées d’une poignée facile à saisir, qui tiennent debout toutes seules, afin de répondre aux besoins des utilisateurs souffrant de handicaps moteurs.
- Jecca Blac crée des produits de beauté non genrés.
- Authored Apparel conçoit des vêtements adaptés pour les personnes âgées et handicapées.
- AccessiBe développe une solution automatisée d’accessibilité du web pour aider les sites web à répondre facilement aux besoins des consommateurs souffrant d’un large éventail de handicaps.
Dans l’ensemble, la prise en compte de l’inclusion jouera inévitablement un rôle dans la croissance et le succès des distributeurs dans les années à venir. Avec la disponibilité croissante de produits et de solutions pour aborder l’inclusivité, la sensibilisation des consommateurs augmente, tout comme leurs attentes.