Open innovation et startups : comment réussir son déploiement

By Julie Durban - 29 janvier 2021

Dans un écosystème de plus en plus compétitif, les grands groupes doivent répondre à un enjeu d’innovation pour rester en tête de leur peloton. Leurs connaissances et moyens internes peuvent parfois s’avérer limités pour maintenir le cap de l’innovation. Ils sont nombreux à faire appel à des idées et acteurs externes. On parle alors d’open innovation ou innovation ouverte. Les startups, porteuses de cette innovation, d’une agilité nouvelle et de modernité, entrent en jeu pour proposer de nouvelles solutions.

Toutefois, si 87 % des startups s’allient aux grandes entreprises, leur collaboration peut parfois se transformer en un véritable chemin de croix et se solder par un échec. Le principal obstacle observé réside dans la transition du Proof of Concept (POC) au déploiement à grande échelle. Comment optimiser cette transition et réussir son déploiement ?

La startup au banc d’essai

La porte d’entrée d’une collaboration en open innovation est sans conteste la phase de test. Comment éprouver l’adéquation de l’innovation proposée par une startup et les attentes d’un grand groupe si ce n’est par la pratique ? C’est pourquoi le PoC est essentiel. Il sert à tester la solution en conditions réelles, de façon gratuite ou payante, et à vérifier qu’elle répond bien au besoin des deux parties prenantes.

Au sein des grands groupes, le sourcing ou identification de startups et le lancement d’un PoC sont généralement gérés par les équipes d’open innovation. Ainsi, les startups dialoguent avec un nombre limité d’interlocuteurs, le plus fréquemment la direction de l’innovation et quelques représentants métiers. Ces représentants sont essentiels pour comprendre les besoins terrain de chaque business unit. Les startups peuvent les accompagner pour gagner en autonomie dans leur gestion quotidienne.

Lors de la phase de PoC, qui est un processus itératif, plusieurs allers-retours auront lieu entre la startup et l’équipe d’open innovation. Ces retours qualitatifs vont être bénéfiques aussi bien pour la startup que pour le grand groupe. Ils vont permettre d’affiner l’offre en améliorant le produit afin de parvenir à une version finale qui réponde parfaitement au besoin de l’utilisateur. Aussi, pour le grand groupe et ses équipes d’open innovation, il est important de ne pas réaliser trop de PoC en même temps pour conserver les ressources suffisantes à la startup.

A l’issue de cette phase de test, trois réponses sont possibles pour la startup :

  • Positive, qui débouche sur un déploiement
  • Négative pour un produit en l’état (des améliorations nécessaires)
  • Négative définitive (ne répond pas au besoin)

Le déploiement, instant critique de la collaboration

Le Baromètre de la FrenchTech montre que le taux de conversion moyen des PoC en produits commercialisés et/ou industrialisés s’élève à 37 % parmi les répondants, une part 12 % plus élevée que celle constatée dans une étude récente sur le marché américain. La lenteur a été identifiée comme étant le problème principal. 96% de startups et 75% des grands groupes trouvent les délais de déploiement trop longs. Une conversion rapide et efficace devient donc l’enjeu majeur d’une collaboration réussie, surtout pour les startups dont l’impératif de survie peut se faire pressant.

Par ailleurs, et malgré des équipes d’open innovation proches de l’écosystème startups, un déploiement peut être mis à mal par des problèmes de communication. En effet, d’autres acteurs entrent en jeu au moment du déploiement : les départements achats, risques, IT, les équipes métiers… Aussi, la responsabilité n’incombe plus à l’équipe d’open innovation seule. Cette multiplication d’interlocuteurs comporte le risque de créer de la confusion et de la frustration. A qui s’en remettre ? Qui est responsable de quoi ?

Le déploiement à l’échelle du groupe suppose de s’extraire de la relation startup et open innovation et donc d’infuser une culture startup au sens large auprès des métiers ou des acteurs qui n’y sont pas coutumiers. Un déploiement réussi nécessite d’évangéliser les autres collaborateurs qui ne connaissent pas encore la solution mais aussi d’identifier les leviers d’engagement pour stimuler l’adoption. L’échec du déploiement d’un PoC peut aussi parfois être attribué à la startup si elle n’est pas capable de déployer son produit à grande échelle.

Structurer la collaboration pour un déploiement réussi

La maturité et la stabilité d’une startup sont, par définition, bien inférieures à celles d’un grand groupe. C’est pourquoi, avant toute collaboration, le grand groupe doit être en mesure d’évaluer la scalabilité de la startup. Un critère qui est pris en compte dans les notations d’Early Metrics à travers notamment l’évaluation de la traction, du modèle économique et de la vitesse de développement technique et commercial.

Source : SNCF.

De plus, une collaboration réussie implique une structuration administrative rigoureuse mais allégée, étant donné que les startups sont des entreprises particulières avec un fonctionnement qui leur est propre. L’exemple de la SNCF est pour le moins parlant. Le groupe a mise en place un type de contrat simplifié pour les startups afin de faciliter la collaboration. Ce kit de cadrage assure au groupe et à la startup de partager la même vision et les mêmes enjeux. Il agit comme un prérequis et donne un cadre au PoC.

D’autres grands groupes font le choix de constituer des équipes spécifiques, dédiées au déploiement d’une collaboration. Aussi, pour s’assurer un bon cadrage, certains choisiront d’inclure dans les contrats de PoC les facteurs clés de succès afin d’accélérer le passage à l’échelle. Ce référencement de points clés peut agir comme une check-list des étapes du PoC vers la concrétisation de la collaboration.

Comment éviter le « choc des cultures »

Pour dépasser le choc des cultures entre startups et grands groupes, encore faut-il l’accepter. C’est ce pont que font les départements d’open innovation, ils créent le dialogue entre deux mondes diamétralement opposés. Ce rôle de médiateur est clé pour mener une communication et un suivi sains auprès des différents acteurs. Chaque partie prenante se nourrit de ses doutes dont les effets ne seront pas nécessairement négatifs :

  • Les startups redoutent un déséquilibre entre le temps et les efforts fournis par rapport aux bénéfices potentiels. Elles craignent également de perdre leur autonomie ou leur pouvoir de négociation.
  • Les grands groupes ont peur de l’incapacité des startups à monter à l’échelle par manque de moyens ou de compétences.

Il revient donc à chacun de lisser ces craintes pour surmonter le choc culturel. Le grand groupe doit avoir un rôle clé dans la croissance de la startup. Il peut lui servir d’accélérateur, grâce à des moyens et du réseau qu’elle n’a pas. De son côté, la startup doit aller vite, faire preuve d’agilité et trouver le time-to-market idéal.

Toutefois, donner trop d’affaires d’un coup à une startup peut être contre-productif. Il convient alors de sortir du modèle traditionnel fournisseur/client pour limiter les risques et se diriger vers une sorte de partenariat gagnant-gagnant. Aussi la question de la gouvernance de la collaboration se pose.  Faut-il élargir le périmètre de responsabilité des équipes d’open innovation ? En général, ces équipes chargées d’identifier les startups pertinentes n’ont qu’un rôle de suivi lors du déploiement. Ce sont les métiers qui, en fin de course, sont responsables de la réussite ou non d’un déploiement.

Une nouvelle approche au déploiement de l’innovation ?

Source : Le Village by CA / Capgemini.

56% des startups et 53% des grands groupes ont dû suspendre leurs projets de collaboration à cause de la Covid-19. Toutefois, l’open innovation n’a pas dit son dernier mot. Les grands groupes continueront à collaborer avec des startups et à mener des PoC, même avec un budget réduit. Ils doivent maintenant mettre en place des bonnes pratiques pour augmenter le taux de réussite de ces collaborations. Ainsi, il pourront également optimiser les coûts d’open innovation. Pourquoi, dans ce contexte, ne pas imaginer un complément ou une alternative au PoC, en se tournant vers des dispositifs de réalité augmentée ou virtuelle ? Ces technologies permettraient de tester des possibles quand les contraintes de collaborations physiques se voient empêchées.

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