Rendre l’industrie spatiale plus durable : les solutions des startups
By Early Metrics Team - 23 décembre 2022
L’industrie spatiale est un secteur en perpétuelle évolution, avec 9 % de croissance en 2021 par rapport à 2020 et 469 milliards de dollars de dépenses mondiales. Ce secteur a toutefois été remodelé par la frugalité d’investissement initiale des états. En effet, la réticence initiale des gouvernements à développer leurs propres technologies spatiales innovantes, comme les lanceurs réutilisables, a permis aux startups de prendre leur place dans ce secteur. Ainsi, ce sont des acteurs comme SpaceX qui ont montré l’exemple. En 2008 SpaceX avait déjà introduit son premier lanceur Falcon 1, partiellement réutilisable.
Depuis, les états ont reconnu l’intérêt et la réussite des développements comme ceux de SpaceX et ont donc depuis accompagné ces nouvelles entreprises. Cet accompagnement s’est fait à travers des partages de données, des brevets, ou encore des investissements. Les fonds d’investissement ont eux aussi commencé à se spécialiser dans l’industrie spatiale, tels Space Capital aux EU ou encore Karista en France. En tout ce sont donc 15 milliards de dollars investis en VC en 2021 (Bryce Tech Report 2022 : Start Up space).
Ces investissements se concentrent aujourd’hui principalement sur des technologies qui permettent de réduire l’empreinte environnemental de ces lancements, ou encore d’utiliser les données pour améliorer l’analyse des risques et la consommation des ressources sur terre.
Dans cet article, nous examinerons 3 tendances visant à rendre l’industrie spatiale plus écologique.
1) Des solutions pour améliorer la sécurité, réduire les collisions et donc réduire les déchets spatiaux

Avec l’accélération de l’économie du spatial, un nombre croissant de satellites viennent gravir en orbite, avec 4,852 satellites en janvier 2022 et 17,000 autres satellites prévus dans les dix prochaines années. Cette concentration de satellites représente un risque réel de collision. À date, les agences spatiales répertorient déjà une douzaine de fragmentations accidentelles par an, alors que les réglementations mondiales encouragent une mise hors de portée des satellites en les désorbitant ou en les envoyant dans des orbites cimetières.
Afin de réduire ces risques, des startups telles que Sharemyspace ont développé une cartographie des véhicules et des débris spatiaux afin d’aider les opérateurs de satellites à réduire les risques de collision. Sharemyspace utilise une station d’observation composée de quatre télescopes pour détecter et suivre les différents objets.
D’autres entreprises se sont concentrées sur la capture de ces débris, afin de réduire les 7,600 tonnes de déchets spatiaux entassés dans ou autour de l’orbite terrestre. C’est notamment le cas de RemoveDebris, créée par l’Agence Spatiale Européenne (ESA), qui a développé un minisatellite doté d’un harpon pour capturer les débris, testé pour la première fois en 2018. Mais l’ESA souhaite aussi s’appuyer sur des startups pour ces missions et a ainsi signé un contrat de 86 millions d’euros avec ClearSpace. Cette entreprise développe un robot spatial doté de griffes pour agripper les débris spatiaux et les relancer plus bas afin qu’ils s’autodétruisent. Son lancement est prévu pour 2025-26.
Ces différentes initiatives sont importantes pour réduire les risques de collusion, la pollution spatiale, mais aussi la pollution atmosphérique, car la réduction des accidents permet une réduction du remplacement de ces satellites et ainsi du nombre de lancements.
2) Des moyens de propulsion plus écologiques pour maintenir la découverte spatiale
En dehors de la localisation et de la réduction des débris, la pollution de la propulsion des satellites et autres véhicules spatiaux est aussi l’un des principaux enjeux de ce marché.
En effet, il est estimé que le lancement d’une fusée émet entre 50 et 75 tonnes de CO2 par passager par lancement. Ce chiffre est à mettre en parallèle avec un vol long-courrier, qui émet entre une et trois tonnes de CO2 par passager. De plus, la durée de vie des satellites est limitée par la qualité de ses composants mais aussi sa réserve d’essence, qui est essentielle pour maintenir sa bonne orientation. Aujourd’hui, leur durée de vie est de 5 ans en orbite basse à 15 ans géostationnaire.
Des startups comme Hypr Space développent des microlanceurs qui utilisent de la propulsion hybride qui combine des carburants solides (du polyéthylène) et des comburants liquéfiés (de l’oxygène) pour une économie de 30 à 70% et ainsi une réduction importante de l’impact environnemental, d’autant plus que ces lanceurs sont réutilisables.
D’autres entreprises s’occupent de l’aspect environnemental post mise en orbite. À titre d’exemple, OrbitFab développe une station essence d’hydrazine en orbite géostationnaire. Cette station devrait permettre de fournir jusqu’à 100kg de carburants, afin d’allonger la durée de vie des satellites, et ainsi de réduire le nombre de lancements et de satellites construits.
3) Des solutions de collecte de données pour la terre

Un pan tout autre du spatial durable concerne l’utilisation des données acquises par ces différents satellites. En effet, si certains satellites sont utilisés pour la défense ou encore la science, 75 % des satellites sont utilisés pour l’observation de la terre et les services de communication. Une fois ces données acquises, elles sont mises à disposition par les agences spatiales aux autres acteurs. C’est notamment le cas du satellite européen Copernicus, mais aussi de la NASA avec son programme « Creating startups with NASA technology » visant à transférer diverses technologies de la NASA vers des startups.
Cette transmission de technologies et de données permet à des entreprises comme VanderSat (rachetée par Planet en 2021) de fournir des données précises sur l’humidité des sols et la température de chaque surface, pour ensuite aider les agriculteurs et établir un plan d’action concernant leur culture. Cela permet de réduire la consommation d’eau, mais aussi d’améliorer leur rendement. Par ailleurs, d’autres entreprises se sont spécialisées dans la détection d’inondations, telle que Vortex.io. La startup a développé une mini station composée d’altimètres spatiaux miniaturisés afin de suivre la vitesse et la hauteur de l’eau et ainsi anticiper les inondations et sécheresses.
L’accélération de la conquête spatiale et du tourisme spatial met en exergue le besoin de l’industrie spatiale de développer des moyens de propulsion plus responsables afin de réduire les émissions de ce secteur en forte croissance, mais aussi des solutions de régulation du trafic spatial, afin de réduire les risques d’accidents et la pollution spatiale. Dans un même temps, le développement de méthodes d’analyse de données spatiales peut permettre d’utiliser ces dernières pour le développement de notre propre planète, notamment pour la prévention des catastrophes naturelles ou la gestion des ressources.
Ces différentes problématiques auxquelles fait face l’industrie spatiale sont prises en compte par l’écosystème startup, qui travaille en étroite collaboration avec les agences spatiales. Toutefois, on constate aussi un risque avec cette privatisation de l’exploration spatiale et des solutions en lien. En effet, si les gouvernements ont une obligation de respect de l’environnement vis-à-vis de leurs citoyens, cela peut ne pas être le cas de certaines entreprises privées. Ainsi, il est important que les agences spatiales soutiennent tout particulièrement ces solutions et technologies spatiales durables.