Les solutions innovantes pour construire une supply chain résiliente

By Margaux Cervatius - 20 avril 2021

La pandémie de covid-19 a révélé au grand jour plusieurs défaillances dans les systèmes actuels, notamment dans les chaînes d’approvisionnement de plusieurs secteurs. Selon une étude d’Orange Business Services, la supply chain de 40 % des multinationales s’est retrouvée désarmée face à la covid-19.

Certaines ont vu leur production mise à l’arrêt suite à la pénurie de matières premières ou de composants. D’autres n’ont pas su faire face aux fluctuations soudaines de la demande. Nous avons tous en tête les images de rayons vides dans les supermarchés. Au début de la crise, les consommateurs se sont précipités en masse sur les produits de première nécessité (papier toilette, pâtes, farine…).

Adaptabilité et résilience sont désormais les maîtres-mots des acteurs de la vente de biens de grande consommation. Les startups de la supply chain peuvent les accompagner dans cette transformation.


Prédire et s’adapter aux changements de demande

Croissance des ventes de papier toilette aux États-Unis en 2020 par rapport à 2019 – Source : Statista

Il existe aujourd’hui de nombreux logiciels pour aider les entreprises à mieux s’adapter à l’évolution de la demande. Ces outils collectent des informations au plus près des clients pour suivre la demande en temps réel. À cela s’ajoute souvent un volet prédictif qui s’appuie sur l’intelligence artificielle. Des algorithmes analysent les informations des consommateurs (en ligne et/ou en magasin) mais aussi les événements de marché. La startup allemande 7Learnings, notée par Early Metrics, permet aux acteurs du retail de prédire avec précision l’évolution de la demande. Ils peuvent également choisir d’adapter automatiquement leurs prix selon cette demande. 7Learnings s’appuie à la fois sur des données internes (historique des ventes, catalogue) et externes (prix des concurrents, météo).

D’autres startups proposent d’automatiser le suivi et la gestion des stocks. Flowlity, une startup française notée par Early Metrics, met en place un réseau sécurisé entre tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement. Les clients peuvent visualiser les prévisions de vente et de consommation et mieux planifier l’approvisionnement. Le but est de réduire les pertes financières liées aux surstocks ou aux pénuries. Leurs fournisseurs ont eux aussi accès au logiciel afin de visualiser les prévisions de commandes futures et accéder à celles en cours. Flowlity travaille actuellement à mettre son logiciel au service de la campagne de vaccination contre la covid-19, dans le cadre du projet INNO’Vaccins.

Réinventer les processus industriels

Si ces logiciels peuvent aider les entreprises à construire des supply chains plus résilientes, ils ne suffisent pas à eux seuls. Ils doivent être accompagnés de changements dans l’infrastructure industrielle elle-même. En effet, les entreprises doivent adopter des processus de fabrication capables de s’adapter rapidement aux changements de demande ou de produit. L’impression 3D, qui gagne en popularité depuis plusieurs années, peut répondre à cet enjeu. Cette technologie permet de créer facilement des pièces personnalisées, dans divers matériaux (plastique, résine, céramique, béton…).

La robotique doit elle aussi gagner en flexibilité. Programmer un robot pour effectuer une tâche précise peut être long et coûteux. Des startups sont apparues sur le marché pour faciliter la programmation des robots, à l’instar d’Intermodalics, notée par Early Metrics. Sa solution logicielle Pick-it permet de programmer automatiquement les robots de manutention grâce à une caméra et à un logiciel de computer vision. Pick-it détecte tout seul les produits à manipuler et programme les mouvements du robot.


Démonstration du robot Pick-it développé par Intermodalics

Enfin, pour faire face à la demande, les usines doivent fonctionner de façon optimale. Des solutions permettent le suivi des opérations en temps réel, afin de détecter toute anomalie sur la chaîne de production. Cela permet d’éviter les temps d’arrêt, qui peuvent se révéler très coûteux pour une entreprise. Declique propose des boutons connectés pour remonter et mesurer les arrêts de production. Une plateforme rassemble et analyse toutes les données des boutons pour aider les entreprises à identifier les problèmes récurrents et prendre des actions correctives. Les entreprises peuvent également déployer des véhicules à guidage automatique pour déplacer les marchandises de manière sûre et entièrement automatisée. Elles réduisent ainsi les accidents et les retards de production.

Diversifier et sécuriser les relations avec les fournisseurs

Les entreprises peuvent optimiser leurs processus opérationnels et industriels, mais elles sont rarement les seules actrices de la supply chain. En effet, la chaîne d’approvisionnement est constituée de plusieurs maillons et les relations avec les fournisseurs représentent un enjeu crucial.

Une demande accrue de transparence

La crise de la covid-19 a marqué une résurgence en force des circuits courts. Des startups aident ainsi les distributeurs à trouver des fournisseurs locaux. Alkemics a développé une plateforme collaborative où les industriels et les distributeurs partagent l’ensemble de leurs données produit (composition, informations réglementaires, labels…) en un seul lieu sécurisé. La startup facilite les échanges et permet de mettre rapidement les distributeurs en relation avec de nouveaux fournisseurs. De son côté, Carrefour a acheté en 2020 la startup Potager City, spécialisée dans la livraison de fruits et légumes en circuits courts.

Ce boom des circuits courts s’explique en grande partie par la demande accrue de transparence. Les consommateurs sont de plus en plus soucieux de l’origine et de l’authenticité des produits qu’ils achètent. De nombreux industriels mettent alors en place des solutions de traçabilité. Celles-ci s’appuient sur des dispositifs connectés (IoT) apposés aux produits afin de suivre leur cheminement et sur la technologie blockchain pour un stockage sécurisé et immuable des données. Circulor, une startup britannique notée par Early Metrics, permet de suivre le mouvement des matières premières à chaque étape du processus. Elle utilise une combinaison de données GPS, biométriques et de QR codes. Les données sont stockées dans un registre sécurisé grâce à la blockchain.

Circulor permet de suivre les mouvements du tantale tout au long de la supply chain – Source : Hyperledger

Optimiser les processus administratifs

Enfin, des startups combinant legaltech et fintech proposent d’optimiser la gestion des contrats et des paiements aux fournisseurs. Pour plus d’efficacité, les contrats peuvent être créés de façon automatisée à partir de modèles puis signés en ligne. Les contrats sont ensuite enregistrés sur des plateformes sécurisées pour améliorer le suivi tout au long de la relation avec le fournisseur. En outre, d’autres startups apportent des solutions de financement. Paygevity permet aux entreprises d’optimiser leur gestion de fonds de roulement en prolongeant les délais de paiement fournisseurs gratuitement.

Les freins rencontrés par les startups de la supply chain

Les solutions de startups visant à rendre la supply chain plus résiliente ne manquent pas. Toutefois, leur déploiement est confronté à plusieurs obstacles, plus ou moins faciles à surmonter.

Pour être pertinents, les algorithmes d’IA doivent être alimentés par de grandes quantités de données uniformisées. Or d’importants silos de données continuent d’exister au sein des grands groupes. Dans certains cas, il est également difficile d’obtenir des données exploitables de la part des fournisseurs. Les startups doivent accéder à toutes les informations de chaque maillon pour fournir une vision fiable de la supply chain. Elles doivent donc sensibiliser les différents acteurs à l’enjeu du partage, tout en garantissant que les intérêts de chacun seront protégés.

En outre, le déploiement de ces solutions peut demander des compétences technologiques qui ne sont pas toujours maîtrisées en interne. Les startups doivent donc offrir des solutions clés en main et faciles à déployer. On remarque l’émergence de solutions « no code », comme celle offerte par Wandelbots. La startup allemande développe une combinaison équipée de capteurs pour apprendre à un robot des actions à reproduire. Elle permet de programmer facilement et rapidement des robots industriels sans avoir besoin d’être un expert technique ou un programmateur.

La dépendance aux marchés étrangers

Enfin, malgré la multiplication des plateformes de mise en relation ou de collaboration, il est parfois difficile de trouver des fournisseurs de certains produits ou matières premières en Europe. Les industriels sont obligés de se tourner vers des acteurs internationaux, principalement en Asie, et sont ainsi dépendants de divers facteurs macroéconomiques (tensions politiques, pandémies, catastrophes naturelles…). Aujourd’hui, de nombreux industriels dans l’automobile, l’électronique ou encore l’électroménager voient leur production ralentie par la pénurie mondiale de semi-conducteurs.

Si la plupart des grands groupes avait amorcé une transformation digitale, la pandémie de covid-19 y a donné un coup d’accélérateur. Les tendances de fond telles que la traçabilité ou les circuits courts ont été renforcées. Les investissements dans l’optimisation de la supply chain devraient continuer à augmenter, de près de 20 % par an selon les estimations. Ces financements s’inscrivent toutefois à contre-courant de la mondialisation puisqu’ils seront en grande partie orientés vers la production locale.

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